Surfer les yeux fermés
Depuis 15 ans le web n’a cessé d’évoluer techniquement pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui, un media à part entière dont les limitations techniques sont quasi inexistantes et dont la composante graphique est plus qu’essentielle. Mais comment le web est-il perçu par les non-voyants aujourd’hui alors que les outils qu’ils utilisent n’ont que très peu évolué? Dans le cadre de la refonte du site d’Handicap International Suisse, nous avons voulu nous pencher sur la question pour ainsi apporter notre contribution à l’accessibilité du web à quelques 80'000 personnes malvoyantes en Suisse.
Pour s’imaginer comment une page web est perçue par un non voyant, c’est très simple, accédez au menu « Affichage » de votre navigateur web et désactivez les styles de la page. Votre page se retrouve ainsi dans son plus simple appareil, nue, sans styles graphiques. C’est cette page, réduite à une succession de contenus non stylés, qui va être exploitée et parcourue ligne par ligne par les outils d’aide à la navigation pour les non-voyants. Mais que ce soit avec une ligne braille ou une synthèse vocale, l’accès à Internet reste quelque chose d’ardu pour les non initiés, surtout lorsque l’on sait que l’on estime à moins de 10% le nombre de sites réellement accessibles. Partant de ce constat, nous avons fait appel à Gregory Fardel, un jeune consultant externe non-voyant et travaillant dans l’informatique, afin de tester le futur site d’Handicap International Suisse.
De cet audit sont ressortis 3 types principaux d’éléments à optimiser. Le premier, et non le moindre, concerne la problématique des contenus alternatifs. En effet, comment est lue une image par une synthèse vocale ou une ligne braille ? Si l’image n’est pas décrite succinctement via l’attribut html « alt », le non-voyant va se voir réciter par sa synthèse vocale des termes incompréhensibles du type « IMG342453.jpg ». On comprend alors vite les difficultés rencontrées par les non-voyants. Les CMS d’aujourd’hui (TYPO3 pour Handicap-international.ch) permettent heureusement de commenter très facilement les images et autres contenus graphiques.
Le deuxième point relevé concerne l’enrichissement de l’intelligibilité des informations présentées sur la page par le biais de textes cachés. Grâce à cela, le non-voyant va pouvoir savoir s’il est en train de lire le contenu rédactionnel principal de la page ou un contenu périphérique ou contextuel. Visuellement, il est simple de les distinguer car ils sont généralement présentés sur plusieurs colonnes ou séparés graphiquement. La notion graphique n’étant pas retranscrite par les auxiliaires pour non-voyants, on saisit vite l’utilité d’une telle démarche.
Le dernier élément d’optimisation se rapporte à l’ajout de raccourcis clavier. En mettant en place divers raccourcis clavier de type Alt+0, Alt+1, Alt+2, le non-voyant va pouvoir directement se rendre sur des éléments importants de la page comme le menu principal, le contenu rédactionnel principal, le champ de recherche ou encore le plan du site. Encore très peu utilisés, ces raccourcis sont très appréciés car ils permettent de gagner un temps précieux.
Ceci n’est bien entendu qu’une première étape dans le processus d’optimisation continu du site, les technologies ne cessant d’évoluer que cela soit du côté du web que du côté des outils d’interprétation pour les non-voyants. Ce projet aura dans tous les cas le mérite de nous sensibiliser à des problématiques trop souvent ignorées.
Dans un monde où Internet est aussi censé favoriser les échanges sociaux et l'autonomie des personnes handicapées, celui-ci ne devrait pas être une source de difficultés supplémentaires. Les outils d’aide à la navigation n’étant aujourd’hui pas assez efficaces, il est du devoir des agences web d’intégrer ces problématiques à la conception technique et graphique de tout site Internet.
Visitez www.handicap-international.ch